Article – TRIWAT : danse Bollywood et Kathak avec Megha

 

Avant de rencontrer Kamal et Megha, je n’avais qu’une connaissance approximative de la danse Bollywood et aucune de la danse traditionnelle qu’est le Kathak. Megha, de par sa formation de danseuse de Kathak, pratique un Bollywood qui n’oublie pas ses racines indiennes, qu’elle sait parfaitement agrémenter de modern jazz, de hip hop, de disco… Et comme elle est bonne chorégraphe, ce qu’on danse avec elle a du corps, de la variété et de la fougue. Et si vous voulez mieux connaître la danse indienne classique, avec Kamal vous avez accès à un enseignement de Kathak rigoureux et dans les règles de l’art au son des tabla et des ghungroos!

Kamal Kant et Megha Panwar sont les fondateurs de l’école de danse Triwat créée en 2009. Tous deux sont des danseurs indiens reconnus et primés de Kathak, la danse classique de l’Inde du Nord. Vu leurs biographies et références, que vous pourrez trouver sur leur site web, on se dit qu’on pourrait difficilement mieux tomber à Paris en termes d’expérience. Au cours de notre conversation, Kamal complétera sa bio en m’indiquant qu’il représente la huitième génération de danseurs dans sa famille ! Bien que tous deux soient danseurs de Kathak de formation, ils se répartissent les rôles: à Kamal les cours de Kathak et de musique, à Megha les cours de danse Bollywood.

Kathak ou Bollywood, la danse raconte toujours une histoire

Proposer les deux types de danses leur permet de répondre à des attentes diverses. Certaines personnes sont attirées par le côté composite et fun du Bollywood qui mêle aux danses indiennes, classiques et folkloriques, des éléments de salsa, de modern jazz, de hip hop… D’autres élèves se tournent vers le Kathak pour sa rigueur et ses traditions. Kamal et Megha font primer le côté artistique dans leur enseignement, d’où l’accent mis sur la qualité des chorégraphies, de l’accompagnement musical et sur la signification culturelle et narrative des danses. En effet, l’aspect théâtral et narratif du Kathak et du Bollywood est primordial. La danse raconte toujours une histoire.

L’apprentissage de la danse Bollywood et surtout du Kathak nécessite un certain niveau d’implication, ne serait-ce que pour préparer le spectacle de fin d’année. Cela tombe bien, Kamal et Megha semblent réussir à fidéliser leurs élèves. Certaines élèves dansent avec eux depuis six ou sept ans. Avoir un noyau de pratiquants fidèles est particulièrement important pour les élèves moins expérimentés qui peuvent ainsi bénéficier des conseils des anciens. Plusieurs niveaux permettent de faire des groupes relativement homogènes et un spectacle est organisé chaque année.

cours de bollywood et de kathak traditionnels à paris

Crédit photo : JULIETTE JEM (http://www.juliettejem.com/fr/accueil.html)

En bons pédagogues, Kamal et Megha savent aussi que le travail personnel, hors des cours avec le professeur, est essentiel. Voilà pourquoi ils mettent à la disposition de leurs élèves une salle pour la pratique libre, deux heures par semaine, où ils peuvent venir répéter collectivement ou individuellement. C’est aussi un excellent moyen de créer des liens entre les élèves des différents groupes, débutants et avancés, danseurs de Kathak et de Bollywood. Pour permettre à leurs élèves de pratiquer à la maison ou de rattraper des séances manquées, Kamal et Megha mettent en ligne des vidéos des cours.

La danse traditionnelle Kathak avec Kamal

Le Kathak est une danse extrêmement codifiée et complexe. Kamal me dit qu’il faut sept années avant de bien la maîtriser ! Il serait trop long de la décrire ici dans toute sa complexité, de nombreux articles en ligne le font très bien, mais disons qu’elle se compose d’un travail rapide des pieds, de frappés vifs des pieds, de pirouettes, de langage gestuel des bras, des mains, de la tête et du visage. Les élèves de Kathak sont réparties en trois niveaux, certains cours permettant de mélanger débutants et intermédiaires. Lors du cours de Kathak auquel j’assiste, Kamal et un de ses élèves musiciens, Freddy, accompagnent les danseuses au tabla. Composé de deux petits tambours, il s’agit d’un instrument d’accompagnement fondamental de la danse Kathak. Durant ce cours les élèves vont répéter le spectacle qu’elles doivent donner début juillet. La plupart des danseuses portent des Ghungroo. Il s’agit de bracelets de cheville composés de dizaines de grelots. Pendant l’échauffement des danseuses, le bruit des grelots est assez assourdissant mais dès que les chorégraphies débutent et que les danseuses se synchronisent, entre elles et avec la musique, on en comprend tout de suite l’intérêt. Ils donnent véritablement à entendre la danse.

vêtements de kathak paris

Un Ghungroos, ce bracelet de cheville comptant des dizaines de grelots porté par les danseuses de Kathak.

Le début de la chorégraphie du spectacle inclut comme il se doit un salut aux musiciens: « C’est très important de saluer les musiciens dans les danses indiennes, il faut les respecter » dit Kamal. Au bout de quelques minutes les danseuses commencent à s’essouffler. Le côté physique du Kathak ne provient pas de la puissance ni l’amplitude des mouvements mais bien de leur extrême rapidité et de l’accumulation de mouvements sur une durée longue. Une des danseuses se passe du talc sous les pieds, on se dit que vu la vitesse des pirouettes ce n’est pas forcément une mauvaise idée pour éviter de tomber.

Ce mouvement a l’air facile mais en réalité il faut tout combiner: pieds, bras, mains, mouvements du cou et expressions faciales – Une élève

Le Kathak exige un bon sens du rythme. Les séquences de mouvements sont organisées autour de cycles rythmiques à seize temps. Les danseuses doivent compter précisément les temps pour savoir quel mouvement effectuer à quel moment. La mémorisation des séquences et le repérage dans la chorégraphie sont facilitées par la récitation de syllabes qui accompagnent la danse, les bols. Ce sont à la fois des moyens mnémotechniques mais également un accompagnement vocal. En Kathak on compte donc beaucoup dans sa tête pour savoir où l’on en est dans la séquence. A un moment, Kamal fait remarquer à ses danseuses qu’elles n’étaient pas ensemble sur les temps 5,6,7 et 8. Vu la rapidité du rythme, j’aurais été bien en peine de le remarquer !

Une élève arrive au milieu du cours. Elle vient saluer de manière traditionnelle Kamal et Freddy (encore le respect dû au maître de danse et aux musiciens) puis se place dans le groupe. J’apprendrai plus tard qu’elle est l’élève qui a bénéficié de la bourse permettant chaque année à une des élèves de l’association, parmi les plus talentueuses et motivées, d’aller étudier le Kathak en Inde pour une durée d’un à trois mois. C’est une des initiatives les plus intéressantes de l’école et qui témoigne bien de l’ambition pédagogique de Kamal et Megha.

La danse Bollywood avec Megha

Dans ses cours de danse Bollywood, Megha introduit évidemment des éléments de danses non indiennes: salsa, modern jazz, danses orientales… mais les éléments indiens, classiques et folkloriques, de Kathak ou autres, restent clairement discernables. C’est sans doute un des grands atouts de l’enseignement de Megha par rapport à d’autres cours de danse Bollywood que de conserver leur singularité aux mouvements traditionnels. Les participants du cours débutants de Bollywood de Megha sont plus divers que celles du cours de Kathak: outre des femmes de 20-30 ans, on y trouve de jeunes adolescentes, une ou deux personnes autour de la quarantaine, et même un garçon ! Il ne faut pas oublier que même si les femmes sont très majoritaires dans les cours en France, le Kathak et le Bollywood sont conçus pour être dansés par les filles comme par les garçons.

Pendant un cours « intermédiaires/avancés » de Bollywood avec Megha.


Après une séquence assez inspirée par le modern jazz, Megha annonce la couleur « Là on va partir dans quelque chose de beaucoup plus folklorique, du Pendjab, avec des mouvements un peu plus masculins », et effectivement les mouvements d’épaules des danseuses et du danseur m’ont l’air plus virils et belliqueux qu’auparavant ! Megha insiste bien à chaque fois sur la provenance des mouvements que les élèves vont exécuter: traditionnels, modern jazz, salsa… Pour Megha, les mouvements de danses traditionnelles indiennes ne doivent donc pas se diluer dans le Bollywood. Ils conservent leur identité propre, et voilà pourquoi le Bollywood peut être une bonne introduction au Kathak.

Ce cours de danse bollywood vise à répéter le spectacle de fin d’année. Megha demande aux élèves s’ils ont pu réviser de chez eux la chorégraphie grâce à la vidéo mise en ligne. Elle est extrêmement pédagogue et précise dans ses directives. C’est une nécessité en Bollywood car les mouvements sont extrêmement diversifiés et complexes. Elle insiste par exemple beaucoup sur la partie du corps à l’origine du mouvement, cela permet aux danseurs de mieux comprendre ce qu’il faut faire. En Bollywood, le corps raconte les paroles de la chanson. Les gestes miment des actions, des situations, des affects… Ils doivent donc être particulièrement précis et c’est vers un grand degré de précision et de justesse que Megha veut amener ses élèves. Une chorégraphie de Bollywood a en effet beaucoup moins de charme quand les mouvements ne sont pas précis, dynamiques, assurés et pleinement assumés ! Je trouve beaucoup de parentés entre l’aspect narratif du Bollywood et l’improvisation théâtrale. Dans les deux cas, il faut faire voir au public des situations, des objets, des actions de manière crédible et convaincante.

Dans la chanson, vous tenez un verre, il faut que le public voie que c’est vraiment un verre que vous tenez, votre geste doit être précis ! – Megha

J’assiste ensuite à quelques minutes du cours des élèves avancés. Le niveau est monté d’un cran ! Et l’intensité physique également ! Les mouvements sont encore plus complexes, Megha demande davantage à ses élèves de travailler leur attitude: « Ayez l’air surpris. Jouez avec le public ! ». Ici encore on alterne chansons traditionnelles et morceaux plus modernes.

Site web de Triwat

Article de Nicolas Lorach pour le site Haut les cours.

Les recommandations des professeurs

De nombreuses vidéos sont disponibles en ligne mais Kamal et Megha m’ont recommandé deux films:

  • Le Salon de musique, 1958, de Satyajit Ray et sa scène de danse Kathak .
  • Devdas, 2002, de Sanjay Leela Bhansali, un des films de Bollywood les plus connus en France.